vendredi 4 janvier 2019

Semaine 3.  Un survol sur l’esprit des autres espèces

Notre cerveau de mammifère nous prédispose à une compassion, une compréhension et un soutien envers notre propre progéniture, pour des raisons évolutives et adaptatives : Est-ce que ça se généralise vers les autres espèces?

9 commentaires:

  1. Dans l’article Animals Think and Feel, Safina semble affirmer que l’anthropomorphisme (le fait d’associer aux animaux les mêmes émotions ressenties qu’aux êtres humains, quand leurs réactions sont similaires) nous permettrait d’admettre que l’on peut connaître ces émotions ressenties (conscientes) par les animaux. Car il s’agirait de l’explication la plus simple : « When animals seem joyous in joyful contexts, joy is the simplest interpretation of the evidence. »

    Néanmoins, il écrit aussi : « Simply deciding that other animals can’t have any emotions that humans feel is a cheap way to get a monopoly on all the world’s feelings and motivation. » Il semble que la véritable question qu’il veuille se poser est de savoir si les animaux sont conscients ou non (s’ils ressentent ou pas), et non pas de savoir la nature de leur ressenti.

    Il écrit : « Science usually steers firmly from questions about the inner lives of animals. Surely they have inner lives of some sort. » Quelles sont les preuves faites par la science de l’existence de la conscience (ou d’un ressenti) chez les animaux ? Ce n’est pas plutôt un axiome, une vérité que l’on considère comme première et que l’on doit utiliser ensuite pour construire une science de leur ressenti - tout comme la supposition que l’on fait que les autres êtres humains sont conscients ?

    L’auteur laisse entendre que l’observation des animaux « libres » ou « vivant librement » aurait aidé à comprendre qu’ils sont conscients (ou qu’ils ressentent). En quoi cette observation de leur liberté a aidé à admettre qu’ils ont une conscience ? En quoi cette observation a-t-elle permis de comprendre qu’il ne s’agit pas de machines déterministes inconscientes ? En quoi nous a-t-elle aidé à connaître la nature de leurs émotions ressenties ?

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    1. D'abord, stp signer ton nom car google met « anonyme »

      Pour la certitude, il n'y en a pas -- pas seulement pour l'hypothèse que les autres êtres (humains et non humains) ressentent comme moi. Même aucune certitude que les autres êtres et le monde externe existent -- que les pommes existent, que les pommes tombent vers le bas et pas vers le haut, que la force de la gravitation existe, etc. Donc le scepticisme total est possible. On peut douter tout sauf les maths et le Cogito.

      Mais ni la science (ni le bon sens) ne requiert la certitude! La probabilité et les observations qui favorisent l'hypothèse la plus probable suffisent.

      Et Safina dit que les similarités qu'on peut observer -- les similarités à nous, à notre comportement, et à ce que nous ressentons lorsque nous ressentons -- sont suffisantes.

      Et, en plus, il y a nos « neurones miroirs » qui nous donnent automatiquement la perception que les autres qui ressemblent à nous ressentent.

      Voilà pour la question: (1) Est-ce qu'ils ressentent?

      Pour la question: (2) Qu'est-ce qu'ils ressentent? c'est plus compliqué: il faut observer leur comportement, interagir avec eux; il y a l'imagerie cérébrale non invasive, d'autres corrélats (nocifs, donc pas justifiés sauf pour traiter médicalement).

      Et il y notre anthropomorphisme qui peut nous aider pour (2) aussi (même s'il peut aussi nous tromper parfois!)

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  2. La revue de De Waal distingue l’empathie affective de l’empathie cognitive. L’empathie affective est décrite comme résultant de processus « bottom-up », car elle dépend de l’observation d’autrui. Elle est spontanée et involontaire (bien que soumise aux processus cognitifs de plus haut niveau). Par contraste, l’empathie cognitive repose davantage sur des processus cognitifs de plus haut niveau, à travers lesquels l’organisme en arrive à une compréhension symbolique (ou peut s’imaginer) de l’état interne d’autrui. L’empathie cognitive ne requiert pas l’observation directe.

    J’ai trouvé très intéressante l’explication du rôle de l’empathie affective dans le comportement altruiste des animaux. L’exemple utilisé était celui d’un rat qui préférait libérer un autre rat d’une cage, plutôt que de recevoir de la nourriture. De Waal souligne que ce comportement altruiste est expliqué par un stress (empathique) vécu par le rat observateur. Ce stress motive le comportement altruiste : le comportement d’aide est même réduit lorsqu’on administre un anxiolytique à ce rat. Cette explication propose un mécanisme qui ne présuppose pas que tous les animaux montrant des comportements altruistes sont dotés de processus cognitifs top-down leur permettant de se représenter l’état interne de leurs congénères, ce qui est réaliste considérant leur encéphale moins développé. Toutefois, il semblerait certains animaux possèdent une capacité d’empathie dépassant l’empathie affective. Je me demande si certaines espèces non-humaines pourraient être dotées d’empathie cognitive (p.ex les grands singes).

    L’auteur souligne également que la précision de l’empathie (correspondance entre l’état de l’observateur et l’observé) dépend de plusieurs facteurs comme l’attention de l’observateur, sa motivation à comprendre l’autre, les expériences personnelles passées et la similarité/familiarité entre l’observateur et l’observé. Ceci est logique : on a plus d’empathie, ou notre empathie est probablement plus exacte avec des êtres humains plus proches de nous, car ils vivent des expériences semblables aux nôtres et partagent les mêmes symboles culturels. Ce principe de similarité s’applique aussi à travers les espèces : plus les espèces nous ressemblent (fonctionnement partagé), plus on peut observer chez eux des comportements qui s’apparentent aux nôtres (en réaction à certaines situations vécues) et donc en inférer un état interne adéquat. Ces différences entre les espèces risquent particulièrement de réduire l’empathie affective des êtres humains (spontanée et résultant de l’observation) au fur et à mesure que la proximité phylogénétique diminue. En conséquence, il importe de favoriser une empathie cognitive basée sur des apprentissages scientifiques concernant le fonctionnement des autres espèces (pour en augmenter la précision) pour ne pas sous-estimer la présence et la richesse des états internes des animaux plus distants de l’être humain.

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    1. Est-ce que ça te surprendrait que lorsqu’on donne un anxiolytique à quelqu’un qui a faim, il a moins faim?

      Appétit affectif: J’ai faim; J’ai envie de manger. Appétit cognitif: Je n’ai pas mangé depuis ce matin: je devrais manger.

      Mais ce que je ressens avec l’empathie c’est le regret que l’autre a un inconfort, et peut-être aussi l’envie de l’aider (comme la maman avec son enfant). À cause de nos neurones miroirs, on a une idée de ce que ressent l’autre, mais, comme avec le mouvement, même si on sait comment faire le même mouvement, ça ne veut pas dire qu’on fait le mouvement soi-même.

      Oui, l’étude du comportement des autres espèces (et même certaines interactions avec eux [chaton actif]) augmentent notre empathie pour les espèces plus loins de nous.

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  3. Merci pour les réponses. Je signe mon nom pour assumer les propos faits plus tôt. La science procède par raisonnement abductif (quand on observe les conséquences d’une hypothèse probable, on pose cette hypothèse, puis on modifie cette hypothèse si l’on observe un jour, un contre-exemple). L’auteur aurait pu être plus clair sur le fait qu’il posait le ressenti animal comme une hypothèse première. Sans quoi, on peut avoir l’impression qu’il conclut ce ressenti animal avec d’autres hypothèses précédentes. Par abduction, il est en effet tout à fait normal de poser une hypothèse que l’on justifie sans totale certitude mais avec des arguments raisonnables. Pour le frère cadet qui lit l’article, il est difficile de comprendre pourquoi il serait difficile de voir le ressenti des animaux qui ne sont pas en liberté. Le perroquet en cage peut tout aussi bien sembler avoir un ressenti que celui libre dans la forêt amazonienne. Dans l’interaction que l’on a avec l’animal, on peut inférer un ressenti. Qu’est-ce que l’auteur voulait dire précisément quand il parlait de liberté animale?

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    1. Je ne sais pas de quel article tu parles, Alix. Mais comme je viens de dire: l’étude du comportement des autres espèces (et même certaines interactions avec eux [chaton actif]) augmentent notre empathie pour les espèces plus loins de nous. Et on apprend davantage si l'animal est libre a démontrer tout ce qu'il peut faire.

      Quand à l'hypothèse: Quand on ressent la faim, on ne fait pas « l'hypothèse » qu'on a faim. (On fait peut-être l'hypothèse que notre taux de glucose est bas... Ainsi pour l'empathie affective et cognitive aussi.)

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  4. Bonjour Stevan, j'ai eu un peu de mal avec le fonctionnement de ce blog. Je répondais à mon propre commentaire qui s'adressait à cet article: https://animalstudiesrepository.org/cgi/viewcontent.cgi?article=1028&context=animsent. Cela étant dit, j’ai lu l’article sur la jalousie chez le chien et quelques commentaires qui l’accompagnent.

    Je suis d’accord avec ceci « L’étude du comportement des autres espèces (et même certaines interactions avec eux [chaton actif]) augmentent notre empathie pour les espèces plus loins de nous. Et on apprend davantage si l'animal est libre a démontrer tout ce qu'il peut faire. »

    Toutefois, je pense que le problème est plus large et qu’il est lié au fait que certains penseurs nient l’existence du ressenti (de la conscience) pour toutes les espèces, même l’être humain. Et ce, bien qu’ils aient été suffisamment en contact avec des animaux (en liberté ou pas) et des humains pour croire en leur ressenti. La négation du ressenti chez les animaux subit les mêmes préjugés contre le ressenti que la négation du ressenti chez l’être humain. Certains scientifiques ont peur de parler du ressenti car ils associent toute étude de la conscience à une étude d’un fait spirituel ou religieux qu’il faut absolument séparer de la science. Cette problématique a ses racines dans le dualisme cartésien qui considère le ressenti (la conscience) comme étant l’âme au sens religieux du terme. On peut étudier le ressenti en termes scientifiques sans tomber dans le religieux.

    Quand je parle d’hypothèse, je veux dire ceci : Proposition qui constitue le point de départ d'une preuve. On doit faire l'hypothèse que le ressenti existe chez les animaux - c’est-à-dire prendre cette proposition comme axiome de base - puis construire une science qui part de là. C'est tout ce que je voulais dire.

    Quelle est la stratégie à prendre?
    1. Tenter de régler le problème difficile pour prouver que le ressenti existe. C’est-à-dire trouver des régions du cerveau qui "correspondraient" à un ressenti, (par exemple, le ressenti de la jalousie) pour tenter de prouver que ce ressenti existe?

    2. Ou tout simplement affirmer que le ressenti animal existe (comme hypothèse) et observer ses différentes facettes grâce aux comportements - et grâce, par exemple, aux experts du comportement animal qui décrivent la jalousie et/ou l’envie chez le chien?

    La hiérarchisation en science fait que l’on a tendance à considérer la physique et les sciences du cerveau comme étant supérieures aux autres. Donc, certaines personnes donnent trop de crédibilité à la première stratégie.

    Les experts en comportement animal ont plus d’autorité scientifique sur la réalité et la description du ressenti animal que les experts du cerveau. Car aucun de tous ces experts ne règle réellement le problème difficile et que seuls les premiers connaissent vraiment les subtilités scientifiques du comportement animal. C'est la seconde stratégie qui est la plus efficace.

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    1. 0. Qui nie le ressenti chez les humains, et pourquoi est-ce qu’on le prendrait au sérieux dans ce cours? C’est les mêmes qui nient l’existence du monde externe. Ce n’est pas un cours de métaphysique!

      1. Le « problème difficile » n’est ni le problème de prouver que le ressenti existe, ni le problème de trouver les régions du cerveau que « correspondraient » au ressenti. Ce cours n’étant pas un cours ni sur la métaphysique ni sur l’épistémologie, mais un cours sur la biologie du ressenti chez les espèces non humaines, nous prenons pour acquis que le ressenti existe et que c’est le cerveau qui le génère. Le problème difficile est d’expliquer, causalement, comment et pourquoi le cerveau génère le ressenti — Mais ce n’est pas une cours sur le problème difficile non plus.

      2. C’est comme tu le dis. C’est un cours sur le problème des autres esprits chez les autres espèces: Lesquelles ont le ressenti? Que sont les données qui l’indiquent? Et qu’est-ce qu’elles ressentent? Les données disponibles sont le comportement et les corrélats neuronnaux, ainsi que les exigences de la survie et de la reproduction. (On ne s'intéresse non plus uniquement au ressenti des autres espèces, mais à leurs capacité cognitives: Qu'est-ce qu'elles sont capables de faire? (Mais pas pour expliquer comment elles le font: ça c'est le problème facile, mais encore pas le problème qu'on adresse dans ce cours.)

      Oui, les données sur le comportement sont plus probantes que les données neuronnales (sauf dans les cas particuliers, comme le coma ou l’anesthésie générale). (Mais encore, rien à voir avec le prob diff!)

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  5. Lise-
    Ce texte appuie le fait que nous sommes capables du meilleur comme du pire- Et qu’ils est important de prendre en considération tous les paramètres des espèces qui nous entoure et pas seulement notre point de vue d’humain.
    Cela généralise une emprise – certains cherchent à comprendre pour mieux dominer tandis que d’autres cherchent à comprendre pour mieux préserver.
    Mais dans les deux cas nous perturbons les espèces dans leur habitat naturel. Parfois la meilleure des choses à faire est de ne rien changer. Sauf dans le cas où ce sont les humains qui sont la source de cette destruction: nous avons alors le devoir de préserver ce qui est menacé.

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Été 2019 : Le problème des autres esprits des autres espèces (mardis & jeudis 9h30-12h30 PK-3605

Été 2019 : Le problème des autres esprits des autres espèces Heure  : mardis et jeudis 9h30 - 12h30 (30 avril - 18 juin) Lieu  : PK-3605...