vendredi 4 janvier 2019

Semaine 4. Les espèces « domestiquées » avec lesquelles nous avons co-évolué – I.  mammifères:

Les humains et les chiens co-évoluent depuis 15 000 ans, pour des raisons évolutives et adaptatives : Est-ce que ces deux espèces ont évolué une appréhension particulière et réciproque pour leurs états mentaux respectifs?
Lecture complémentaires:

Cook PF, Prichard A, Spivak M, Berns GS: Awake canine fMRI predicts dogs' preference for praise versus foodSoc Cog Affect Neurosci, 11:1853-1862, 2016. 
Dilks DD, Cook P, Weiller SK, Berns HP, Spivak M, Berns GS: Awake fMRI reveals a specialized region in dog temporal cortex for face processingPeerJ, 3:e1115, 2015. 
Berns GS, Brooks AM, Spivak M, Levy K: Functional MRI in awake dogs predicts suitability for assistance workSci Rep 7:43704, 2017. 
Berns G: What It's Like to Be a Dog. And Other Adventures in Animal Neuroscience. Basic Books, Sept. 2017.New Yorker Book Review 

    11 commentaires:

    1. Commentaire en lien avec le texte de Cook envoyé par email: Évidemment, chaque recherche scientifique est imparfaite et bien que la méthode de recherche de Cook et al., ait des failles (p.ex., commentaire de Vonk: When presented with such an unfamiliar object, dogs are likely to be distressed and to respond as if in the presence of a threat. The neurological response to threat or confusion may be indistinguishable from that of jealousy. This experiment requires control conditions where fake dogs are present but not receiving attention/affection/food from caregivers, or perhaps are receiving attention from a stranger or disliked individual. Such controls were also lacking from a previous study that claimed to find evidence of jealousy in dogs when human owners interacted with a stuffed dog) sa méthodologie innovante (p.ex., aucune atteinte physique et intrusive est faite aux chiens, elle permet de recueillir des données objectives avec l'imagerie) mérite d'être complimentée et applaudie. D'autres expérimentations à venir pourrons venir nuancer et spécifier le lien entre l'agressivité et l'activation de l'amygdale. Aux propositions de Mme Vonk j'ajouterais: serait-il pertinent d'ajouter des mesures de d'autres natures (p.ex., hors de la machine d'imagerie, observer le comportement des chiens; mesure d'observation des mouvements de leur queue et de leurs oreilles; mesure du taux de cortisol pour vérifier l’état de détresse possible mentionné par Vonk) ?

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      1. Pour ma part, j’ai lu l’article et le commentaire de Peter Singer.

        Comme Catherine, l’auteur de ce commentaire manifeste son estime pour la méthodologie employée par Cook et collègues (2018) en raison du bon traitement des animaux : « In contrast to the innumerable psychological experiments conducted over many decades that have inflicted severe pain on sentient beings (Singer, 2009), Cook’s dogs were trained, with rewards, not punishment, to be still when in the scanner. They were given ear protection, and were free to leave, but none did leave. » Je crois, de plus, que le choix de s’assurer que le propriétaire du chien soit toujours à la vue de ce dernier se veut un geste rassurant en contexte expérimental.

        Quant aux conclusions de l’étude, Singer rapporte que l’étude de Cook ne permet pas de prouver que l’expérience subjective des chiens est similaire à celles des humains (jalousie). Toutefois, il reconnaît que cette étude de neuroimagerie permet de solidifier les conclusions des études comportementales précédentes et des anecdotes fréquemment rapportées par les propriétaires de chiens. Singer conclut que pour des raisons pratiques, on devrait assumer que la jalousie est une expérience subjective typiquement aversive (« distressing ») pour les animaux, comme pour les humains.

        Pour ma part, je crois que les preuves sont insuffisantes pour attribuer l’activation de l’amygdale des chiens à de la jalousie. Plus de conditions contrôles devraient être appliquées avant de conclure qu’un sentiment analogue à la jalousie existe chez les chiens (p. ex. condition où le propriétaire interagit avec le chien étranger sans lui donner de renforcement). Et encore, je crois que la méthodologie de Cook mesure davantage l’agressivité en contexte de compétition pour la nourriture que de la jalousie, qui implique une dimension relationnelle : « jealousy seems to require more sophisticated mental abilities. It involves awareness of a social triangle in which a rival poses a threat to an existing relationship. » (Singer, 2018). Pour moi, le phénomène d’habituation présent dans l’étude de Cook suggère que le chien réagit davantage à une compétition pour la nourriture à court terme, plutôt qu’à l’établissement d’une relation entre l’humain et le chien rival. La jalousie ne devrait-elle pas augmenter l’activation amygdalienne à fur et à mesure que la relation humain - chien rival se solidifie ? (Ou du moins relation en U inversée).

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      2. Je suis d'accord avec vous deux Catherine et David quant au bon traitement des animaux dans l'étude, c'est encourageant.

        Ce que j'ai aussi trouvé intéressant, c'est la notion de différences interindividuelles chez les chiens. Cook rapporte les conclusions d'une étude mesurant l'activation striatale en lien avec l'anticipation des récompenses : « In a recent study, we found that dogs who showed greater striatal activation when they were expecting verbal praise than when they expected food were also likely to prefer interacting with their caregiver over the opportunity to eat a treat ». C'est donc dire que tous les chiens n'auraient pas le même patron d'activation neuronale dans un contexte donné.

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      3. La question est si on peut apprendre plus concernant la personnalité d'un chien à partir de l'imagerie qu'à partir de son comportement. (Je crois qu'actuellement, pas encore; mais que peut-être éventuellement, oui.)

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    2. Cook, Peter; Prichard, Ashley; Spivak, Mark; and Berns, Gregory S. (2018) Jealousy in dogs? Evidence from brain imaging. Animal Sentience 22(1)

      Dans l’article de Cook, on rapporte les conclusions de l’étude d’Harris et Prouvost (2014) : « When their caregivers interacted with the fake dog, dogs had increased behavioral arousal and showed aggression toward the fake dog. […] The authors interpreted their findings as evidence of something like jealousy (or “proto-jealousy”*) in the domestic dog. ». Étant donné la nature complexe de la jalousie, je ne crois pas qu’il soit prudent de conclure qu’un comportement d’agression est une manifestation de la jalousie. Il est probable que les chiens aient un ressenti face à une situation où leur caregiver interagit avec un autre chien, mais je ne suis pas certaine que cela nous indique qu’ils aient un ressenti de la jalousie. Selon Abdai et Miklósi (2018), la jalousie serait une « émotion complexe » qui est un amalgame d’émotions « primaires » et se manifesterait par des interactions comportementales nécessitant la présence d’au moins 3 tactiques qui sont elles-mêmes représentées par différents comportements. Ainsi, comment peut-on conclure à un ressenti de la jalousie par la manifestation d’un seul type de comportement (agression)?

      Lier l’activation de l’amygdale à la manifestation de comportements de jalousie (agression) me semble également erroné. D’une part, les corrélats neurobiologiques de la jalousie ne sont pas bien compris chez l’humain (Cook le mentionne dans son article), et d’autre part, l’activation de l’amygdale est plutôt liée à des comportements d’agression. Comme Abdai et Miklósi (2018) le signalent, les chercheurs tentent de démontrer la présence d’une émotion avant de comprendre les mécanismes du comportement. À mon avis, cela a mené Cook (et Harris & Prouvost) à conclure qu’un comportement est une manifestation d’une émotion complexe.

      Enfin, j’aimerais partager une opinion quant à l’étiquetage du continuum des ressentis en fonction de mots appris (peur, joie, jalousie, etc.). Abdai et Miklósi l’expriment bien : « In humans, the existence of large individual differences raises the question of whether even we humans all experience jealousy in the same way. ». Ainsi, on appose une étiquette de « jalousie » à un certain ressenti chez l'humain. Par contre, il ne faudrait pas conclure que tout un chacun ressent la même chose de la même façon (ici, la jalousie). Chez l’humain, il est pertinent de se doter d’un vocabulaire commun pour exprimer un ressenti. Toutefois, selon moi, tenter d’apposer ces étiquettes aux ressentis des animaux peut faire en sorte que l’interprétation de leur comportement est erronée.

      *D’ailleurs, que veut-on dire par « proto-jealousy »? S’agit-il d’une forme primaire de la jalousie? Comment est-ce défini?

      Voir aussi : Abdai, Judit and Miklósi, Ádám (2018) Displaying jealous behavior versus experiencing jealousy. Animal Sentience 22(21)

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      1. Les critiques de l'équipe hongroise sont valides, mais l'équipe de Berns en est au courant, et sont en mesure de les accommoder dans l'évolution de leurs recherches. Les défis méthodologiques de la neuro-imagerie cognitive non envahissante chez les animaux non humains sont nouveaux, mais constructifs.

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    3. *Personnellement, je pensais que l'auteur désirait éviter l'anthropomorphisme en désignant la jalousie de «proto-jealousy».

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    4. Les chiens sont sensibles à des signaux sociaux (tel que: le ton de la voix, la posture et les expressions faciales. Les auteurs suggèrent que les chiens éprouvent de la jalousie (protojalousie) et utiliseraient l'agression pour défendre leur caregiver (congénères ou humain). Toutefois, l’auteur mentionne que la jalousie est une émotion complexe qu’on ne comprend pas entièrement chez l’être humain (ressenti). Il est donc difficile de l’établir chez une autre espèce et relève davantage de l’anthropomorphisme. Dans certaines recherches, on remarque que les chiens présentent une activation striatal importante lorsqu'ils attendent des encouragements verbaux plutôt que de la nourriture. L’activation de l'amygdale serait plus importante lorsque le caregiver interagit avec le faux chien. Cette réaction serait adaptative dans la mesure ou elle serait présente lors d’une situation de garde ou de protection d’une partenaire sexuelle.

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      1. La métho de Berns et al est très prometteuse comme premier pas, mais ces premiers pas ne nous expliquent pas encore beaucoup. Comme les auteurs l'indiquent dans leur réponse, on ne peut pas encore distinguer la jalousie, l'envie, la réaction compétitive, l'agression... (Mais ça viendra.)
        (Tout le monde devrait lire la réponse des auteurs ainsi que visionner la vidéo de Berns.)

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    5. Lise-

      Selon moi, les chiens ne naissent pas agressifs, c’est les événements qu’ils vivent qui les poussent à devenir comme cela. Tout comme les humains, on ne naît pas méchant on le devient.
      Cook explore la possibilité d’administrer des médicaments pour diminuer l’agressivité suite à son expérience sur la jalousie potentielle des chiens- Simple fait est que le chien cherche à préserver sa place en dominant l’autre faux chien face au donneur de soins.

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