vendredi 4 janvier 2019

Semaine 5. Les espèces «domestiquées» avec lesquelles les humains ont co-évolué – II.  non-mammifères, sans cortex, domestiquées et non domestiquées:


Faut-il la domestication par les humains ou un cortex cérébral pour avoir un esprit reconnaissable?
Rollin, Bernard (2017) Raising consciousness about chicken consciousness. Animal Sentience 17(2)
Rogers, Lesley J. (2017) Chickens’ brains, like ours, are lateralized. Animal Sentience 17(3)
Freire, Rafael and Hazel, Susan J. (2017) Are chicken minds special?. Animal Sentience 17(4)
Merskin, Debra (2017) Getting to the other side. Animal Sentience 17(5)
Vallortigara, Giorgio (2017) Sentience does not require “higher” cognition. Animal Sentience 17(6)
Freeman, Carrie P. (2017) Misperceiving and underestimating the ubiquitous chicken. Animal Sentience 17(7)
Bottomley, Ewan and Loughnan, Steve (2017) Chickening out of change: Will knowing more about thinking chickens change public perceptions?. Animal Sentience 17(8)
Jenni, Kathie (2017) Scientific advances and moral inertia. Animal Sentience 17(9)
Johnsson, Martin (2017) Changes in behavior and emotion under chicken domestication. Animal Sentience 17(10)
Balcombe, Jonathan (2017) Chicken of the sea. Animal Sentience 17(11)

Chiandetti, Cinzia (2018) Chickens play to the crowd. Animal Sentience 17(13)

8 commentaires:

  1. La revue d’Alex H. Taylor (Taylor, 2014) fait état des avancées scientifiques dans le domaine de la cognition des corvidés. La famille des corvidés inclut notamment les corneilles, les corbeaux, les geais, les pies, et autres oiseaux. Ils sont reconnus comme étant les oiseaux les plus intelligents étudiés à ce jour, et sont même parfois surnommés « singes à plumes » (feathered apes).

    La réputation de l’intelligence des corvidés vient en partie de leur grande encéphalisation (ratio taille du cerveau / taille du corps). Les exigences énergétiques et morphologiques de la capacité à voler compétitionnent avec celles du tissu cérébral (lourd et coûteux). On peut donc inférer que la présence d’un relativement grand encéphale chez cette espèce doit être associée à des avantages cognitifs. Effectivement, des comportements remarquablement complexes sont observés chez ces espèces.

    La revue énumère plusieurs études qui soulignent des impressionnantes capacités de mémoire, de cognition sociale, d’utilisation d’outils et de compréhension de relations de cause à effets chez les corvidés. En dépit de ces démonstrations, il demeure risqué d’inférer l’utilisation de mécanismes cognitifs semblables à ceux utilisés par les humains chez les corvidés. Les auteurs rappellent que plusieurs « outputs » comportementaux semblables peuvent être sous-tendus par des mécanismes cognitifs différents. Autrement dit, une convergence comportementale entre différentes espèces n’est pas nécessairement associée à une convergence cognitive. Afin d’examiner les similarités des mécanismes cognitifs employés entre les espèces, l’auteur propose : «  We should adopt a ‘signature-testing’ approach, where experimenters explicitly set out to search for the signatures of various cognitive mechanisms in terms of their errors, biases and limits, rather than a ‘success-testing’ approach where experimenters simply examine whether a problem can be solved or not ». Je crois également que l’étude des erreurs et des limites des capacités cognitives informe beaucoup au sujet des mécanismes cognitifs utilisés, et que ces variables ne semblent pas faire l’objet de beaucoup d’attention les études décrites dans la revue.

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    1. Il semble y avoir deux sortes de chercheurs en cognition comparative: Ceux qui ont un biais positif, et cherchent des preuves positives, puis ceux qui sont sceptiques, et cherchent des réfutations (invoquant souvent le rasoir d'Occam et le Canon de Lloyd-Morgan qu'on a discuter l'autre semaine).

      À part du profil d’erreurs, les limites incluent aussi la capacité de généraliser ce qu’on a appris à d'autres exemples, et aux exemples de plus en plus loin de l'exemple du départ. Ceci est particulièrement important dans le cas de la catégorisation (« faire la bonne chose avec la bonne sorte de chose ») où on peut tester si le sujet met trop de choses dans la même catégorie (la sur-inclusion) ou trop peu de choses (sous-inclusion).

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  2. Marino, L. (2017). Thinking chickens: A literature review of cognition,
    emotion, and behavior in the domestic chicken. Animal Cognition,
    20(2): 127-141.

    Marino (2017) fait état des lieux sur les connaissances scientifiques à propos des capacités cognitives, émotionnelles et de communication des poulets domestiqués. Les poulets domestiqués le sont depuis des milliers d’années et, bien qu’ils soient similaires à leurs congénères sauvages, ils sont victimes d’abus et sont considérés comme de la marchandise par l’humain. Le but de cet article était de mieux comprendre la cognition des poulets et d’identifier de nouvelles perspectives de recherche sur l’étude de leurs capacités cognitives.

    La vaste majorité des résultats rapportés par Marino nous éclaire sur l’« intelligence » des poulets. Je noterais seulement que la section portant sur le « self-awareness » bénéficierait de clarifications. La définition de ce construit est homonculaire : « Self-awareness is subjective awareness of one’s identity, one’s body, and one’s thoughts through time, distinguished from others. In other words: a sense of ‘‘I.’’». Il en est de même pour la notion de « self-agency » : […] the subjective awareness that one is initiating, executing, and controlling one’s own volitional action in the world. ».

    Ce qui me paraît évident et comme le souligne Vallortigara (2017) dans son commentaire, c’est que Marino n’aborde pas la question du ressenti des poulets. Une meilleure connaissance des capacités cognitives des poulets, même dites de « haut niveau » (terme qu’on ne définit pas d’ailleurs), ne nous renseigne pas davantage sur le ressenti des autres espèces : « […] evidence of advanced cognition — in chickens or any other organism — says little about sentience (i.e., feeling). ». En effet, les humains qui ne manifestent pas de ces capacités cognitives de haut niveau possèdent tout de même un ressenti.

    Voir aussi : Vallortigara, Giorgio (2017) Sentience does not require “higher” cognition. Animal Sentience17(6)

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    1. Tu as raison que ce qui est important c'est le ressenti (et ainsi la capacité à la souffrance) et non pas le « ressenti du ressenti » en particulier. C'est une incohérence que paraît un peu partout dans les discussions de la conscience. Et tu as raison que c'est homonculaire. Si on ressent, ce qu'on peut ressentir est potentiellement vaste, dépendant de l'espèce. Si on a les yeux, on peut expérimenter à quoi ça ressemble de voir. Si on est Descartes, on peut expérimenter à quoi ça ressemble de réfléchir sur le Cogito, ou sur le doute, ou sur le soi. Mais pour mériter la clémence, il suffit d'avoir le ressenti tout court.

      (Point de réflexion: s'il y avait un ressenti qui était purement positif -- juste le plaisir, aucune souffrance -- est-ce que le mêmes questions morales seraient toujours pertinentes?)

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  3. Certaines études de Patel semblaient montrer que les capacités de percevoir le rythme et de bouger en rythme étaient liées à la capacité d’apprentissage vocal. Elles montraient l’existence de ces capacités chez le perroquet et faisaient état, entre autres, de la présence de structures cérébrales similaires chez le perroquet et l’être humain dans les ganglions de base. L’étude de ten Cate, Spierings, Hubert et Honing semblent nuancer ces affirmations. Elle montre que certains autres oiseaux capables d’apprentissage vocal comme les perruches et les mandarins peuvent distinguer certains patterns rythmiques, sans pouvoir bouger en rythme. Elle montre aussi que certains lions de mer et bonobos seraient capables d’apprendre à bouger en rythme sans pour autant être capables d’apprentissage vocal. Dans une étude parue en 2014, Patel argumente ceci en ce qui concerne les lions de mer : « Sea lions, however, are not known to be vocal learners, which challenges the vocal learning hypothesis. However, it may be premature to argue that this refutes the hypothesis. This is because sea lions are related to true seals and to walruses, which are known vocal learners. » En ce qui concerne les bonobos, il serait donc intéressant de savoir si c’est leur proximité avec l’être humain qui les rend capable de percevoir le rythme et de bouger en rythme.

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    1. Ce qui est intéressant (du point de vue de l'empathie, des capacités miroir et de la lecture d'esprit d'autrui) c'est qu'il y a certains indices mammaliens qui sont particulièrement influents sur la perception humaine. La langue humaine en premier, évidemment, mais ensuite les expressions faciales (et vocales), spécialement le regard des yeux, l'imitation des mouvements (et parmi eux, l'entraînement du rythme). Ça touche quelque chose dans la perception des mammifères en général, et des humains en particulier.

      Il se peut que le plaisir de la musique (le rythme ainsi que la mélodie et peut-être même l'harmonie) est un effet secondaire de notre susceptibilité à l'expressivité vocale qui accompagne la parole. Pour le rythme c'est peut-être lié aussi à l'entraînement des mouvements dans les interactions et collaborations sociales.

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  4. Lise-
    Lori Marino - Je pense que peu importe si l’esprit est reconnaissable, l’espèce humaine cherche ou trouve toujours le moyen de justifier sa pratique- qu’elle soit positive ou non. Lori Marino explore le fait que les poules aient un réseau social plus complexe qu’on ne le pense. La banalisation des capacités cognitives et émotionnelles des poules rend leur exploitation plus justifiable.
    Herbeck- De ce que j’ai compris l'ocytocine est un liant social il permet de relier une image à une émotion grâce aux neurotransmetteurs ce qui donne lieu à une réduction de l’anxiété. L’image de l’eau et du sable me vient – Le sable serait le cerveau et l’eau l'ocytocine, il s’infiltre partout peu importe la composition du sable qu’il soit compact ou non.
    La sécrétion d'ocytocine créer des liens très puissants qui permettent, par exemple, aux campagnols de garder le même partenaire toute leur vie.

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    1. L'oxytocine semble être liée à l'affiliation maternelle pour ses enfants, et peut-être aussi pour l'empathie générale -- mais le lien causal n'est pas encore clair.

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