vendredi 4 janvier 2019

Semaine 2. Le problème de l’esprit animal

Que faire quand l’autre être ne peut pas passer le Test de Turing car il n’a pas le langage et diffère de nous dans son aspect, et dans son comportement? Est-ce que l’anthropomorphisme (l’analogie avec nous-autres) nous informe ou nous trompe ?

11 commentaires:

  1. C'est l'article de P & W qui a déclenché la discussion moderne de problème dis autres esprits.

    Mais la question qu'ils ont posée était plutôt « Est-ce que le chimpanzé sait ce que pense un autre? »

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  2. Anthropomorphisme, informe ou trompe ?

    Les auteurs rapportent que la cognition humaine et animale est peut-être plus semblable qu’il en apparaît à première vue. Certaines fonctions cognitives humaines de haut niveau, tel que la métacognition, la théorie de l’esprit, la mémoire épisodique ou l’auto-conscience sont attribuées à l’être humain, en raison de notre propre expérience de ces capacités et de la faculté du langage à les exprimer. Évidemment, il n’est pas possible d’attribuer ces processus cognitifs aux animaux sur ces mêmes bases. Les auteurs indiquent qu’on serait toutefois dans l’erreur d’écarter ces capacités chez les animaux simplement car on ne peut les observer, ou car ils ne peuvent nous les communiquer. À l’opposé, il serait imprudent d’utiliser l’anthropomorphisme (prêter des caractéristiques cognitives ou émotionnelles humaines à des animaux) en raison de l’écart évident de sophistication cognitive existant entre les espèces. Les auteurs proposent une approche médiane, soit l’anthropomorphisme constructif pour mieux comprendre la cognition humaine et animale. Dans cette approche, on formule des hypothèses quant à la cognition animale à travers les capacités humaines. L’approche d’anthropomorphisme constructif propose plus précisément de trouver l’ensemble minimal de principes mécaniques qui peuvent expliquer les habiletés cognitives avancées des humains et de considérer si ces principes mécaniques ont pu se développer chez les animaux et leur offrir une valeur adaptative.

    Bien que le danger de minimiser les capacités cognitives animales sur la base qu’on ne peut les observer est réel, je crois que cette approche pourrait entraîner un certain risque de : (A) surestimer la cognition animale, ou (B) de sur-simplifier la cognition humaine. Également, cette approche augmente les chances de passer à côté de capacités cognitives propres aux animaux.

    En effet, trouver des similarités entre les processus cognitifs humains de haut niveau et les processus cognitifs des animaux ne peut relever qu’à simplifier les habiletés cognitives humaines. En extrayant les composantes mécaniques minimales nécessaires pour expliquer les habiletés cognitives humaines, on s’assure pratiquement de retrouver ces composantes chez les animaux. Par exemple : réduire l’auto-conscience de soi à la conscience des parties du corps chez l’animal. Ou encore, opérationnaliser la méta-cognition comme étant un doute manifesté à l’égard de la validité de ses propres souvenirs (voir article Arbilly et Lotem). À mon avis, on réduit la cognition humaine d’une façon importante, de telle sorte qu’on ne puisse plus appeler ces processus « auto-conscience » ou « méta-cognition ». De plus, en se posant la question à savoir si ces mécanismes ont pu être évolutivement avantageux, il est presque certain que la réponse sera positive, considérant que ces mécanismes sont extraits d’une capacité cognitive qui a évolué chez l’humain, et qui est donc utile. Cet anthropomorphisme constructif a pour risque, selon moi, de surestimer les similarités entre cognition humaine et animale, par un biais causé dans la formulation des hypothèses.

    Finalement, certains animaux paraissent avoir un fonctionnement très différent du nôtre (p. ex., sensoriel), et ces différences sont probablement reflétées dans leur fonctionnement cognitif. Par exemple, le sonar des chauves-souris est probablement associé à des capacités de cognition spatiale et de navigation très développées. L’approche d’anthropomorphisme constructif à elle seule semble susceptible d’entraîner un biais dans l’étude de la cognition animale, en mettant le focus sur les processus cognitifs présents chez l’humain, comme si ces derniers présentaient l’idéal à atteindre pour toutes les espèces.

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    1. Qu'est-ce que c'est que « auto-conscience » ou la « méta-cognition » ? Et comment est-ce que ça réduit la cognition humaine de les attribuer aux animaux non humains? Sont-elles juste des fonctions verbales?

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  3. Depuis l’époque des Lumières, la communauté scientifique ne s’attarde qu’à l’étude des comportements observables et mesurables. L’anthropomorphisme est dorénavant perçu comme étant l’ennemie à abattre. L’anthropomorphisme est une tendance qui tend à accorder des intentions, des perceptions ou des sentiments humains à des animaux. C’est dans ce même ordre d’idée que Arbilly et Lotem proposent une approche fonctionnelle nommé : l’anthropomorphisme constructif. Cette approche vise à expliquer l’ensemble des mécanismes impliqués dans les émotions et dans les habiletés cognitives de l’être humain. Elle désire aussi connaître les conditions nécessaires à leurs développements ainsi que leur valeur adaptative chez l’animal.

    Selon Airenti, l’anthropomorphisme serait lié 1) à notre besoin de construire des relations avec les autres et 2) à une vision téléologique de l’action; c’est-à-dire, le rôle central que tient l’intention au sein du discours. Ironiquement, personnifier les animaux pourrait s’avérer être beaucoup plus utile que ce que l’on aurait pensé puisque cela nous permettrait de mieux définir les relations que l’on entretient avec eux. En d’autres mots, anthropomorphiser les animaux exige de reconnaître leurs qualités propres et de certifier leur souffrance ce qui conduit à leur accorder des droits.

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    1. Nous sommes des animaux aussi. Les autres animaux, font il aussi « l'anthropomorphisme » en traitant les autres animaux comme s'ils avait les connaissances et le ressenti?

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  4. Je trouve que les auteurs utilisent plusieurs termes qui sont génériques et ne sont pas définis adéquatement. Par exemple, que veut-on dire par « mental representation », « animal’s self », « ephemeral representation » et « specialized mechanisms »? À mon avis, il est important de bien définir ces termes (idéalement, pour que frère cadet comprenne) puisqu’ils servent de fondement à l’approche utilisée par les auteurs : utiliser les mécanismes minimaux permettant d’expliquer la cognition humaine, puis les appliquer aux animaux. Si les mécanismes ne sont pas expliqués clairement (parce que des termes non définis sont utilisés) en premier lieu chez l’humain, il est difficile de les transposer en second lieu chez le non humain.

    1- Morgan’s Canon Argument
    L’argument de Canon de Morgan stipule qu’on ne peut pas expliquer un comportement animal par un processus psychologique de haut niveau si ce comportement peut être expliqué par un processus psychologique de bas niveau (évolutif ou développemental). C’est donc dire qu’on ne peut pas conclure que parce qu’un animal se comporte de façon « humaine », son comportement peut être expliqué de cette façon.

    Steward soutient que cet argument a mené à une interprétation trop mécaniste du comportement animal, ce qui écarte l’anthropomorphisme comme outil de compréhension. À mon avis, l’anthropomorphisme constructif d’Arbilly et Lotem s’inscrit aussi dans une interprétation mécaniste du comportement animal.

    Voir : Steward, H (2018) Morgan's Canon: Animal Psychology in the Twentieth Century and Beyond. In: Adamson, P and Edwards, GF, (eds.) Animals: A History. Oxford Philosophical Concepts. Oxford University Press, Oxford , pp. 293-318. ISBN 9780199375967

    2- Faim
    Tel que discuté en classe, les auteurs définissent le ressenti de la faim comme une activité neuronale. L’humain se « représenterait » par la suite cette activité neuronale en mémoire. Comment l’humain se représente-t-il l’activité neuronale de l’état de faim en mémoire? Est-il nécessaire que l’état de faim soit représenté en mémoire pour ressentir cet état?

    À noter la présence d’une tautologie pour définir la représentation en mémoire de la faim : « This representation can be viewed as the representation of how it feels to be hungry ».

    3- Langage
    À quoi les « mécanismes cognitifs » réfèrent-ils dans ce passage : « […] it is also believed that the main cognitive mechanisms that are needed to support language are not unique to humans. »? Fait-on référence à un système qui communique avec un autre système (et donc, à un homoncule)? Ou à l’identification de régions du cerveau associés au langage? Dans les deux cas, il ne s’agit pas d’un mécanisme explicatif du langage, mais plutôt d’associations.

    4– Mémoire épisodique (et sémantique)
    Les auteurs définissent la mémoire épisodique comme étant des « représentations mentales d’évènements dans le temps », mais comment cela se produit-il? Plus loin, on mentionne que la mémoire sémantique se construit par des observations répétées et moyennées dans le temps, puis représentées en mémoire comme un graphique. Que veut-on dire par « generalized graph »? Comment cela se produit-il?

    5– Métacognition
    La définition de métacognition proposée par les auteurs illustre bien le sophisme de l’homoncule discuté en classe : un petit homme se trouve dans la tête de l’humain et contrôle les processus cognitifs. On explique donc la métacognition par la métacognition elle-même (un phénomène est expliqué par le phénomène qu’on tente d’expliquer).

    6– Empathie
    « This transition from this form of generalization to the attribution of mental states, such as pain, may be possible as long as the observing child has acquired sufficient experience to classify herself as a child. » Ainsi, les enfants ne pourraient pas inférer un ressenti aux adultes?

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    1. Mon commentaire ^ est en lien avec cet article : Arbilly, M., & Lotem, A. (2017, October). Constructive anthropomorphism: a functional evolutionary approach to the study of human-like cognitive mechanisms in animals. In Proc. R. Soc. B (Vol. 284, No. 1865, p. 20171616).

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    2. Oui, ce qu'on veut dire par « représentation » n'est pas clair. Et c'eest même homonculaire (représentation à qui . (C'est pour ça que j'interdis cette expression!)

      1. Tu as raison pour « l'anthropomorphisme constructif » d'A&L. C'est mécanique. Mais lis celui de de Waal, et celui de Safina.

      2. Oui, la « représentation interne » est non seulement homonculaire, mais tautologique -- et ainsi non explicative.

      3. Pas d'explication du mécanisme du langage -- ni pour la communication non linguistique.

      4. T'as raison, pas d'explication pour la mémoire ni épisodique, ni sémantique -- juste ce terme mystérieux et homonculaire: les « représentations »

      5. Métacognition. Correcte, c'est circulaire, et vide.

      6. Empathie: également.

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  5. Les articles lus ont soulevé le paradoxe de l’homoncule : si l’on croit à une thèse représentationaliste qui affirmerait qu’il y a à l’intérieur de du cerveau d’un être conscient (qui ressent) un autre petit être pour qui perçoit ce ressenti, on finit par faire face à une régression infinie. Car il faut un autre être qui perçoit à l’intérieur même de ce premier autre être qui perçoit et un autre dans ce nouveau, et ainsi de suite. Pour répondre à ce problème, il faut poser l’existence d’un Moi irréductible (« irreducible Ego ») qui est celui qui ressent. À mon avis, cette réflexion est proche de celle de Descartes qui en arrive à la conclusion du Cogito. Par une forme de dépouillement et grâce à la logique, on en arrive à admettre l’existence d’un Moi irréductible (hôte premier du ressenti).

    Alix

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    1. Oui, il y a un « moi » qui ressent, mais c'est quoi ce « moi »: Comment est-ce qu'il fonctionne, pour pouvoir faire tout ce que je peux faire? Pour répondre à ça il faut rétro-ingénierier nos capacités et trouver un modéle causale qui peut faire ce que nous pouvons faire -- et ainsi résoudre le problème facile. Ça c'est le programme de Turing.

      Mais il y a aussi le problème difficile d'expliquer la fonction causale du ressenti.

      Et puis il y a le problème des autres esprits: Quels êtres ressentent? Et qu'est-ce qu'ils ressentent?

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  6. L’anthropomorphisme nous pousse à la curiosité et à davantage comprendre le mode de vie de ces autres esprits. Par l’interprétation et la composante des neurones-miroir on ne peut faire que des inférences sur leur ressentis: aucune certitude n’est possible car leurs capacités cognitives et émotionnelles diffèrent de notre schéma de référence qui est le nôtre en tant qu’être humain. Sans remettre en doute la notion douleur, on ne peut se mettre à la place des animaux et de leur ressenti- on ne peut qu’imaginer, supposer car concrètement on peut ressentir la douleur en tant qu’être animal. Il en est de même entre les êtres humains eux-mêmes le ressenti diffère.
    Versus quand l’anthropomorphisme est poussé à son extrême de manière négative,l’animal est considéré comme un bébé incapable de satisfaire ces besoins par lui-même ,on( nous l’espèce humaine) lui amène tout sur un plateau. Il perd ainsi peu à peu la stimulation de son instinct.
    De plus, le désintérêt de l’anthropomorphisme dans la société permet de réduire la culpabilité afin de rendre la manipulation et l’exercice de l’exploitation plus justifiable.

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Été 2019 : Le problème des autres esprits des autres espèces (mardis & jeudis 9h30-12h30 PK-3605

Été 2019 : Le problème des autres esprits des autres espèces Heure  : mardis et jeudis 9h30 - 12h30 (30 avril - 18 juin) Lieu  : PK-3605...